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Laurent et Victor Franconi,

prestigieux écuyers du XIXe siècle

A propos de Laurent Franconi et de son fils Victor, écuyers de premier plan au XIXe siècle, aucun hagiographe, aucun biographe, aucun livre dédié à leurs vies ou leurs oeuvres. Il faut alors croiser les lectures, coupures de presse et chapitres ou mentions dans des ouvrages. Parmi ces lectures, il y a les pages du Baron de Vaux, homme de lettres du XIXe siècle, féru d'équitation et de sport. Il rédige une vingtaine d'ouvrages, de nombreux articles et chroniques. Il est lui-même excellent écuyer et par ailleurs fervent défenseur de la méthode Baucher. Relai animé des sociabilités parisiennes, il est au coeur des cercles lettrés autant qu'équestres et sportifs. Témoin de son temps et partageant assidûment son regard et ses opinions, ses ouvrages sont extrêmement intéressants pour saisir anecdotes, échanges et opinions au sujet de ses contemporains.

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Son ouvrage, Les Hommes de cheval depuis Baucher : les grands maîtres, les écuyers, les hommes de cheval, les cavaliers, 1888, dessine le portrait d'une quarantaine d'hommes de cheval, acteurs clefs du monde équestre au XIXe siècle. Le cheval et l'équitation irriguant les mondes militaires, économiques, sportifs, artistiques, la description de ces personnages et de leurs relations avec leurs pairs, permet d'appréhender d'autant mieux leur rôle comme leur réputation.

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Parmi les Hommes de cheval cités par le Baron de Vaux, trois ont été retenus par l'Histoire en tant qu'écuyers de spectacles : Laurent Franconi, son fils Victor Franconi, et Ernest Molier - qui dirige alors un manège et une salle d'armes qui deviennent le temps de soirées électives le cirque éponyme dédié exclusivement aux exercices équestres.

Ce qui est frappant, tant dans l'ordonnancement du livre que lorsqu'on compare ces trois portraits d'hommes que le Baron de Vaux admire avec sincérité, c'est combien il s'attarde sur la culture équestre et la maîtrise des classiques de Haute école des Franconi, les plaçant au coeur des débats, non seulement en tant qu'acteurs et parties prenantes mais aussi en tant qu'experts, influenceurs et références. Surtout, les Franconi, père et fils - Charles, fils de Victor est également cité brièvement - sont traités dans la partie "Equitation savante", au côté de noms prestigieux tels que les écuyers Raabe, Lunel, Gaussen, Guérin, Lhotte ; Ernest Molier, seul, occupe la partie "Equitation de cirque".

Le Baron de Vaux publie sont ouvrage en 1888. Un demi-siècle plus tôt, durant les années 1830, Laurent Franconi comme François Baucher, étaient considérés tous deux par les plus vifs critiques du monde du cheval comme des écuyers saltimbanques du fait qu'ils présentaient en piste leur art de faire. Les écuyers de spectacles étant de plus en plus nombreux, à la fin du XIXe siècle, la hiérarchie des compétences et des types de reconnaissance par le milieu équestre n'oppose plus manège et spectacle mais bien les implications et l'apport de chacun au monde équestre, engendrant de nouvelles catégories et "hiérarchies" distinctives au sein même du monde du cirque et des spectacles équestres. Et là, au sommet de la pyramide des influences : les Franconi.

Alors que l'Histoire et les mentions de Laurent et Victor Franconi retiennent avant tout leur rôle en tant que directeurs de cirque, certes écuyers, présenter les quelques pages que le Baron de Vaux leur consacre permet de saisir leur impact sur l'art équestre comme la considération que leur portaient leurs contemporains, et la valeur attribuée à leur contribution à l'équitation. Leur influence a été aussi grande et déterminante pour l'histoire de l'équitation qu'elle l'a été pour le cirque.

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Au sujet de la distinction entre écuyers de spectacle et écuyers de manège, voir DuThéâtre équestre au Cirque, p.280 et sq.

A propos de Laurent Franconi, par le Baron de Vaux

Laurent Franconi (1776-1849) était réputé excellent écuyer. Très jeune, en 1795, il forme déjà Eugène de Beauharnais avant d'être le professeur des princes de la famille d'Orléans, ce pour quoi il obtient même, plusieurs décennies plus tard, en 1847, un brevet  du Roi, le certifiant. Entre temps, ses cours ont marqué plusieurs générations, tant de personnalités, que de bataillons de l'armée. 

Le Général Lhotte écrit de lui que "c'était un magnifique cavalier, la majesté à cheval". 

Cependant, les remarques quant à son excellence, son influence et surtout le respect voué à ses qualités d'écuyers sont éparses.

Aussi cet extrait de l'ouvrage du Baron de Vaux a pour intérêt, par l'anecdote, de décrire un échange particulièrement révérencieux alors que Laurent Franconi est invité à l'Ecole d'équitation de Saumur en 1843.

Le commandant en chef de Novital (1796-1856), profondément bauchériste et ayant justement dressé son cheval Ourphaly selon cette méthode, propose sa monture à son invité et assiste, admiratif, à la maîtrise de Laurent Franconi qu'il considère maître admirable et incontesté. Néanmoins il faut croiser ce texte avec d'autres témoignages pour savoir ce que Laurent Franconi pense réellement de la méthode Baucher (voir infra) - ou telle que la reprennent ses contemporains.

Baron de Vaux Les Hommes de Cheval depui
Baron de Vaux Hommes de Cheval depuis Ba
Baron de Vaux Hommes de Cheval depuis Ba
Baron de Vaux Hommes de Cheval depuis Ba
Baron de Vaux Hommes de Cheval depuis Ba

A propos de Victor Franconi, par le Baron de Vaux

A propos de Victor Franconi (1811-1897), le Baron de Vaux développe plus amplement les apports équestres de l'écuyer, non moins brillant que son père. Sous la plume de l'auteur, la contribution de Victor Franconi à l'art équestre apparaît de façon limpide. Si les traités d'équitation de Victor Franconi ont connu un succès notoire (Le Cavalier, 1855 et L'Ecuyer, 1860) à l'origine de plusieurs rééditions et de la réunion des deux volumes en 1891, le Baron de Vaux - outre se servant une nouvelle fois de l'expérience d'un de ses protagonistes pour valoriser la méthode Baucher -  décrit clairement combien la pratique et l'application quotidienne dans des conditions aussi variées que contraintes font de Victor Franconi non seulement un puissant maître des méthodes classiques mais un tenant de l'équitation pragmatique, sachant croisé les influences de l'art équestre selon les montures et les circonstances. 

Baron de Vaux Les Hommes de Cheval depui
Baron de Vaux Les Hommes de Cheval depui
Baron de Vaux Hommes de Cheval depuis Ba
Baron de Vaux Hommes de Cheval depuis Ba
Baron de Vaux Hommes de Cheval depuis Ba

Laurent Franconi à propos de la méthode Baucher

Une lettre de Jules Pételard, vétérinaire militaire à Saumur, rend compte de l'opinion de Laurent Franconi à l'égard de la méthode de François Baucher. Franconi connaît d'autant mieux Baucher qu'ils se sont non seulement assidûment fréquentés durant plusieurs années, mais ils ont collaboré ensemble, notamment lors de leur expérience pour lancer un Cirque au Pecq avec Jules Pellier en 1837.

Présent lors des quelques semaines où Laurent Franconi s'est installé à l'école de cavalerie en 1843, Pételard rapporte un an plus tard, l'effet des représentations de l'écuyer sur l'assistance et ses échanges avec les experts réunis autour de ses prestations.

Cet été 1843 - comme l'été 1844 d'ailleurs - est un moment crucial dans les débats qui agitent depuis 1840 le monde équestre : incontestable maître écuyer François Baucher a développé une méthode admirée pour "plier" les chevaux (voir du Théâtre équestre au Cirque pp. 315 et sq). Seulement cette méthode de dressage est-elle à même de servir l'instruction de la cavalerie militaire face à celle du comte d'Aure qui privilégie une équitation qui suit l'élan naturel des chevaux ?

La réponse de Laurent Franconi est un point de vue précieux pour les professionnels et experts militaires. Admiré pour ses qualités d'écuyer, respecté pour sa pratique comme pour son activité de professeur, l'ensemble de ses capacités incarne sa connaissance du cheval et du dressage. Son opinion sur les applications de la méthode Baucher est donc nourrie par son expérience et rend ses propos d'autant plus estimables pour ses interlocuteurs.

Aussi lorsque Laurent Franconi reconnaît les qualités indiscutables de la méthode Baucher pour l'équitation de manège mais s'oppose à son application "au cheval de guerre dans les corps de cavalerie" son avis est d'autant plus déterminant et implacable qu'il est fondé sur un pragmatisme de circonstance qui place au premier rang les conditions et le contexte d'application de la méthode. Franconi rappelle que seuls les cavaliers de très haut niveau sont à même de connaître et maîtriser le cheval selon la méthode Baucher, signifiant explicitement le niveau de qualification requis comme, implicitement, les conditions d'une telle pratique : le manège. Les besoins de l'armée, le dressage souvent conduit par de jeunes soldats n'offrent pas les conditions pour dresser les montures en suivant la méthode Baucher : l'inexpérience des dresseurs, comme la quantité de montures à dresser rendraient l'appropriation de la méthode potentiellement néfaste, voire nuisible pour les montures, comme pour les objectifs de l'Armée.

Ami et collaborateur de Baucher, avocat réel de sa méthode, Laurent Franconi aurait donc ouvertement déclaré, selon Jules Pételard, qu'il n'en recommandait pas la transposition à l'Armée. Quatre ans plus tard, en 1847, c'est le Vicomte d'Aure qui est nommé à la tête de l'école de cavalerie de Saumur. 

Voir ci-dessous, "Lettre de Jules Pételard" in Journal des Haras, chasses, des courses de chevaux, d'agriculture appliquée à l'élève du cheval et des bestiaux en général. recueil périodique, Tome I, 4e série. Au Bureau du Journal, des Haras, rue Duphot, 1844 (pp. 70-72)

Petelard 1844 Franconi Saumur Baucher Co
Petelard 1844 Franconi Saumur Baucher 0.
Petelard 1844 Franconi Saumur Baucher 1.
Petelard 1844 Franconi Saumur Baucher 2.

François Baucher au sujet de Laurent Franconi...

Dans son Dictionnaire raisonné d'équitation (1833), François Baucher consacre un paragraphe au sujet de la voltige. Paragraphe déterminant car il pose, au-delà de la définition du "voltigeur", la distinction entre l'écuyer et le saltimbanque (sans pour autant associer piste, cheval , spectacles ou cirque). L'incarnation de sa définition est justement Laurent Franconi miroir inversé en quelque sorte de l'homme-de-cheval-écuyer-qui-se présente-en-piste, qu'est Baucher lui-même. La mise en spectacle apparaît comme l'hybridation entre la maitrise des grands principes et la démonstration de performances à cheval au grand public. Par l'exemple de Laurent Franconi et par l'effet du trait d'union, naissent à la fois une distinction et une profession: l'écuyer-voltigeur. Cependant si Laurent Franconi maîtrise les deux dimensions, Baucher entre en piste sans voltiger.

"VOLTIGER c'est l'action de sauter sur le cheval soit qu'il reste en place, soit qu'il galope.

On confond souvent sous le même titre les écuyers et les voltigeurs, quoiqu'il n'y ait entre eux aucun rapport, les études de l'équitation et de la voltige étant entièrement différentes. Il est vrai que le voltigeur est toujours à cheval, ce qui, jusqu'à un certain point et aux yeux du vulgaire, l'assimile à l'écuyer ; mais le plus souvent, il néglige et ignore les principes de l'équitation. Soit que la voltige captive toute son attention, soit que l'habitude de ses mouvements de corps et de jambes l'empêche de se fixer dans une même position, toujours est-il que les voltigeurs, sauf quelques exceptions rares, sont loin d'être de bons écuyers. M. Laurent Franconi, dont je me plais à reconnaître la haute capacité, était nécessairement dans l'exception. Il pouvait à bon droit revendiquer le titre d'écuyer. On devrait donc, pour distinguer les voltigeurs, des danseurs de corde et des écuyers, ajouter un trait d'union entre ces deux titres, et dire écuyers-voltigeurs." François Baucher, 1833.

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