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Quel est le propos du livre ?

Quels sont les différents angles traités ?

Histoire du Cirque  - Histoire de l'Equitation - Histoire du Théâtre - Histoire des Loisirs

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Histoire du Cirque

De nombreux livres racontent l'histoire du cirque moderne. Seulement rares sont les auteurs qui ont travaillé au plus près des sources, tels Tristan Rémy et Christian Oger pour la France, George Speaight et Arthur Saxon pour l'Angleterre, qui ont fait de "vraies" recherches et véritablement consulté archives et documents du XIXe siècle.

Dès lors, hormis les travaux de ces auteurs, beaucoup d'ouvrages "historiques" ne sont que des reprises, parfois même des copies, qui véhiculent les mêmes informations, les mêmes erreurs, et participent à la construction d'une histoire souvent mystifiée, voire fallacieuse, parfois même caricaturale. D'autres ont cependant cherché à rendre compte de certains temps forts de l'histoire du cirque et des artistes. Néanmoins l'approche reste celle d'une histoire linéaire et monographique où le cirque est traité hors de tout contexte ou comme une exception culturelle voire marginale..

Certains n'oublient pas la dimension internationale, l'étendue du phénomène et la propagation d'une expression protéiforme à travers le monde et pourtant traitée comme une seule et même, mais ces travaux traitent de la fin du XIXe siècle et du XXe siècle. Le siècle qui précède, de 1768 aux années 1860 est généralement résumé "à l'idée d'Astley" (élaborer un lieu fixe pour ses spectacles) et la façon dont les Franconi et d'autres artistes se saisissent du "format" pour l'exploiter à leur tour.

L'ingéniosité et l'esprit d'entreprise de certains ont été à la source d'initiatives promises à un bel essor, mais "tout cela" n'est pas sorti d'un chapeau et n'a pas rencontré de succès seulement parce que "l'idée" était une "bonne idée".

Mon souhait initial ayant été de comprendre pourquoi le cirque à eu un tel succès public il me fallait comprendre le contexte et les conditions d'apparition et de développement du cirque moderne. Par conséquent l'ouvrage ne traite pas "que" de l'histoire du cirque mais aussi de l'histoire de l'équitation, de l'histoire du théâtre, du phénomène de la commercialisation des loisirs et de l'histoire des représentations. Travailler au sujet du cirque appelait d'étudier d'autres historiographies et, à rebours "l'objet cirque" venait comme un contrepoint, questionner à son tour ces autres domaines sous un angle inédit car ni l'histoire de l'équitation, ni l'histoire du théâtre, n'avaient accordé d'espace au cirque au sein des approches historiques ou historiographiques de leurs propres domaines d'études. 

L'historiographie anglo-américaine de "la commercialisation des loisirs" a là offert des outils d'analyse et des univers de référence permettant d'autant mieux de contextualiser les trajectoires des personnalités et de leurs aventures entrepreneuriales permettant de saisir combien le cheval et le cirque ont joué un rôle particulièrement actif dans l'essor de la sphère des divertissements, de l'edutainment , du sport, de la fabrique d'une mémoire historique commune et des représentations de l'ailleurs tels que ces univers sont au coeur de la culture moderne.

Ainsi, "Du Théâtre équestre au cirque" a moins pour objet l'histoire du cirque à proprement parler que de donner à comprendre, par le biais du cirque et de "pourquoi et comment l'essor de ce spectacle s'est produit", le phénomène de la commercialisation des loisirs dans l'Europe de la fin du XVIIIe siècle et au cours du XIXe siècle.

En replaçant le spectacle, ses producteurs et leurs productions dans le contexte social, économique et culturel des deux pays où émerge et se développe cette nouvelle offre spectaculaire qu'est le cirque, ce sont toutes les stratégies des entrepreneurs de spectacles et l'approche des innovations culturelles, comme la définition de nouveaux espaces, pratiques et représentations du temps libre qui se dessinent.

On comprend alors comment ces entrepreneurs ont créé les lieux de spectacles les plus vastes qui existaient alors, pour accueillir un public de plus en plus nombreux à assister à de "grands spectacles" où le sensationnel ne cesse de défricher de nouveaux univers créatifs. La plongée au coeur de la commercialisation des loisirs permet de saisir le processus et les procédés de la fabrique des innovations culturelles, de leur entrée sur le marché des loisirs et des enjeux qui déterminent la possibilité - ou non - d'un passage à l'échelle, d'une viabilité économique et du succès public.

Cette question du public qui était à l'origine de mes travaux de recherche et de ma thèse imposait en effet de comprendre le spectacle, ses composantes, les lieux, les rythmes, les répertoires comme les références et les imaginaires convoqués par les cirques. Là aussi la commercialisation des loisirs, comme l'histoire de l'équitation, sont essentielles pour saisir pourquoi et comment la créativité du cirque, la proposition spectaculaire mais aussi celle des enseignements, et ce temps de divertissement, occupent l'espace au sein des circulations culturelles et des sociabilités à Paris et à Londres entre 1760 et 1860.

Histoire de l'Equitation

La littérature équestre est immense. Principalement technique et scolastique, théorique et militaire, cette production comprend cependant de nombreuses recherches contemporaines qui souhaitent faire connaître le rôle du cheval en société : son rôle militaire, économique, culturel, ou encore symbolique. Si les carrousels royaux, les courses hippiques, ou les rodéos ont intéressé les chercheurs, personne ne s'est encore penché sur l'historie du cheval cheval de spectacle... au cirque et au théâtre.

Le cirque, au cours du XIXe siècle, existe "par", "pour" et "avec" le cheval. Il y est l'acteur et le vecteur de nouvelles mises en scènes, comme d'une créativité narrative propre à son "caractère". Le cheval est donc le coeur de l'existence du cirque. Inversement, le cirque tient une place fondamentale à la fois dans la diffusion des savoirs équestres comme la démonstration et la discussion de méthodes équestres.

Raconter l'histoire du cirque lors de son premier siècle, c'est donc lever le voile sur tout un pan de la culture équestre telle qu'elle se répand et est représentée sur piste, questionnant notamment un aspect peu étudié de l'équitation d'autrefois, celui de la pratique de la voltige à cheval et la façon dont celle-ci interroge les modalités d'apprentissage, les prestations publiques et les expertises professionnelles comme la reconnaissance par les pairs.

Cette plongée dans l'histoire du cirque des XVIIIe et XIXe siècles vient aussi éclairer le rôle d'acteurs clefs dans l'essor et la pratique de l'équitation: les cavaliers et écuyers de spectacle donnent des cours tous les matins à une clientèle qui vient suivre ses leçons au cirque en plus, ou à la place, des cours proposés dans les manèges équestres. Des cours de voltige mais aussi de Hauté école, d'équitation d'extérieur, et de maintien. Aussi, alors que l'Histoire de l'équitation a porté son attention sur certains grands écuyers ayant pris la plume et enseigné, ou réputés par leur rôle ert leur renommée au sein de l'Armée, le présent travail révèle les trajectoires et les rôles des Astley et des Franconi bien sûr mais au delà, éclaire leurs contributions à la diffusion des savoirs, illustre la circulation des protagonistes et les cercles au sein desquels ils sont présents. Par leur intermédiaire c'est non seulement la démocratisation de l'art équestre, son accessibilité, la diffusion des savoirs auprès d'un public urbain, non noble, qui apparaissent, mais aussi l'essor des pratiques du corps,  l'émergence des sports modernes, et la place toute particulière des femmes. Beaucoup serait encore à faire sur ces sujets cependant.

Histoire du Théâtre

L'histoire du théâtre et les études théâtrales réunissent une production incommensurable. Encore plus vaste lorsqu'on considère ce qui a été écrit en France ET en Angleterre. De la construction des salles, au jeu scénique, à l'art théâtral, aux costumes et décors, en passant par la vie des acteurs, celle des auteurs, les censures, les registres, la moralité, la politique, et bien sûr les textes et la mise en scène... Tant a été étudié, rédigé, analysé et parfois même théorisé.  Néanmoins, comme le rappelait une journée d'étude à l'Université Rennes 2 en 2013, des pans entiers de l'histoire du théâtre sont restés en friche parmi lesquels les genres mineurs.

En France, un biais a particulièrement faussé les études du champ théâtral : l'étude du passé s'est longtemps faite à l'aune des catégories du XXe siècle et des classifications contemporaines, notamment liées aux politiques culturelles et à l'organisation du ministère de la Culture à compter de 1959.

Le cirque s'appelant "cirque" depuis la fin du XIXe siècle, et étant connu au XXe siècle comme un spectacle sans texte, ni auteur, ce genre a tout simplement été rayé, occulté, ignoré des études théâtrales - à quelques rares exceptions près -  jusqu'à la fin des années 1990. Or le cirque était bel et bien classé parmi les théâtres ET parmi les spectacles de curiosités. Cet "oubli" au sein de recherches téhâtrales occulte le phénomène théâtral, l'ampleur du succès, et l'impact de la production sur les publics du cirque sous ses différentes formes. 

Par ailleurs, il y a aussi autre aspect essentiel de l'histoire du théâtre qui a longtemps été laissé pour compte jusqu'aux récents travaux de Christophe Charle (2009) et de Jean-Claude Yon (2012) : les théâtres privés, certes exploitant les genres mineurs, mais surtout relevant d'une économie propre, où les enjeux de rentabilité engendrent une relation différente à la gestion, mais aussi au renouvellement du répertoire, a fortiori à l'innovation.

L'exemple du théâtre-cirque, tel que traité dans l'ouvrage, illustre comment l'entrepreneuriat et l'innovation culturels sont, dès la fin du XVIIIe siècle, des processus performatifs, qui génèrent en France, comme en Angleterre, l'émergence d'activités, de diversifications, d'expérimentations, de nouveautés, de brassages et de créativité au sein même des spectacles et des théâtres bien avant les considérations récentes à propos d'un entrepreneuriat culturel émergent, en France, depuis les années... 2000 (voir par exemple la synthèse des questions contemporaines au sujet de la mutation récente du secteur, très bien résumée ici).

En rappelant que le cirque était un théâtre, et en racontant comment et pourquoi le cirque avait ce statut, l'ouvrage offre un autre approche pour étudier l'histoire du théâtre, ses évolutions, ses histoires croisées. Le cirque est ici étidié et traité non pas par l'histoire de l'institution mais par l'angle ses stratégies et des moyens déployés par ceux qui l'ont créé. Autrement dit c'est une histoire de la dynaique entrepreneuriale et on de l'entreprise que propose l'ouvrage.

Histoire des Loisirs

Là repose probablement le plus fort enjeu de la comparaison entre la France et la Grande-Bretagne que porte l'ouvrage. Je ne vais pas reprendre ici les explications quant à la commercialisation des loisirs à laquelle je consacre de nombreuses pages dans l'introduction de l'ouvrage. Néanmoins rappelons ici que "la commercialisation des loisirs" est un phénomène social et économique que les Anglais et les Américains étudient à part entière dans des ouvrages qui ont fait date depuis plusieurs décennies. En France, on en parle assez peu et on reste principalement centré sur la période plus récente de l'industrialisation des loirsirs. 

 

 Si les évolutions de l'histoire du cirque sont semblables des deux côtés de la Manche, les univers de références, les contextes mais aussi l'historiographie du phénomène de la commercialisation des loisirs sont très très différents de l'iun et l'autre côté de la Manche.

Pour résumer de façon caricaturale, la "fabrique de la culture" n'est pas envisagée de la même façon en France et en Angleterre. En France, l'étude de la culture est avant tout considérée par l'angle des Lettres et de l'Auteur (création) et "ce qui rend lettré" (culture dominante) alors que, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, la culture est considérée comme un expression ou une réalisation (performance). Aussi, ce qui "est" et ce qui "fait" culture n'est pas identique selon le territoire et l'espace d'expression. Ces acceptions très distinctes, en tous cas jusqu'aux années 1990, ont, par la force des choses, structuré des schémas de pensées comme des écoles d'analyses très différentes selon les pays, avec pour dommages, en France, d'occulter des sujets du champ historique et des sciences sociales, ou de les cliver de façon binaire (culture dominante/dominée, culture savante/populaire) alors que ces sujets sont non moins issus des processus de production et de pratiques, déterminants (par leur importance dans le tissu socio-culturel) ou beaucoup plus enchevêtrés que les divisions qui créent des oppositions.

 

Dans la même veine des glissements de sens, entre l'un et l'autre pays, la distinction entre sport(s) et loisirs est très récente, et date de la deuxième moitié du XXe siècle. Même en anglais, sports, théâtre, musique etc. sont inclus dans le terme "leisure". C'est donc plutôt anachronique de parler de "sports et loisirs" au XVIIIe et XIXe siècle, en France comme en Angleterre, les sports étant considérés à ces époques comme partie, ou synonyme, des loisirs - sauf quand pratiqués à titre éducatif et c'est justement un autre pan abordé dans l'ouvrage via le rôle de l'équitation. La commercialisation des loisirs est aussi l'art où émerge l'edutainment.

Alors qu'en France, l'histoire des loisirs est encore balbutiante malgré l'ouvrage déterminant de Alain Corbin (1998) - qui d'ailleurs date le phénomène des loisirs de 1850 à 1960 alors qu'en Angleterre l'élan commence un siècle plus tôt et que de nombreux exemples, outre le cirque, montrent qu'en France le marché se construit tout à fait simultanément - la commercialisation des loisirs est traitée par de très nombreux historiens anglais et américains comme un processus déterminant de l'économie, de l'urbanisation, de la gentrification et des sociabilités (pour en savoir plus, voir C.Hodak, 2000 ici). Le fait que cet angle d'analyse soit délaissé en France* a été, et est probablement encore, un manque à la compréhension du processus de mercantilisation de la culture et de la diffusion, croissante d'une cukture commune.

Surtout, cela occulte totalement le contexte d'émergence d'une nouvelle profession, celle des entrepreneurs de loisirs au moment même où les Anglais se réapproprient ce terme pourtant français. Les entrepreneurs, particulièrement les entrepreneurs de loisirs, deviennent un groupe d'autant plus identifiable que leur secteur est une friche où tout est à inventer, imposant d'autant aux Etats et juridictions de repenser les lois qui cadrent les autorisations d'exercer tel ou tel métier. Dans le monde des spectacles, des théâtres et des sports, ces processus d'innovation et de légitimation sont déterminants dans la définition des sphères d'exercice, comme dans les élans créatifs et l'invention de nouveaux espaces.

C'est au gré des acteurs, de leurs initiatives, de leurs entreprises, que l'histoire du cirque illustre la réalité de la commercialisation des loisirs. En cela, l'ouvrage est un exemple de ce processus à l'oeuvre via la trajectoire des individus qui se sont lancés dans l'entreprise théâtrale. A cheval.

 

*A noter, une évolution depuis la fin des années 2010 dont témoigne le numéro intitulé "Les Commerces du Théâtre" de la Revue d'Histoire du Théâtre, Trimestre 2, 2017 dont on peut cependant regretté, qu'hormis l'article de Stéphanie Loncle (« Le théâtre, une entreprise commerciale? Théâtre et commerce à Paris sous la monarchie de Juillet ») consacré à la période libérale de la Monarchie de Juillet (1830-1848), les articles traitent principalement de la période postérieure à 1860 après le tournant majeur de la loi de 1864 qui consacre la libéralisation des théâtres. On notera que le processus de commercialisation des loisirs est absent des articles et que le terme choisi est celui de "commerce" en lien avec le libéralisme politique et les lois afférentes (notamment le passage des théâtres, durant un temps court, de la tutelle du ministère de l'Intérieur  au ministère du Commerce). Ce qui n'est pas sans intérêt, bien sûr, mais restreint la notion de commerce à l'idéologie libérale et au système politique alors même que le processus de commercialisation s'inscrit dans un temps long, des expériences multiples qui elles-mêmes nourrissent les arguments des tenants, comme des opposants, de la libéralisation, bien en amont de celle-ci. Le siècle qui précède le tournant de 1864 reste malheureusement trop peu considéré sousl'angle de sa réalité économique "sur le terrain". 

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