Qui, quoi, comment?
Pourquoi cette publication ?
Formée en Histoire et Sciences sociales, j'ai été rattachée pendant dix ans au Laboratoire de Sciences sociales de l'ENS-EHESS, Centre Maurice Halbwachs.
J'ai commencé à travailler à propos du cirque car je voulais explorer les pratiques culturelles et les publics dans un contexte qui n'avait pas encore été étudié. Un jour, en entendant par hasard de la musique de cirque, j'ai l'idée de me plonger dans l'histoire du cirque, complètement délaissée par les historiens de la culture et du théâtre. J'ai soumis mon idée à Daniel Roche (1935-2023),professeur à Paris-I, à l'EHESS, et au Collège de France, dont je suivais le cours à propos des sociabilités...
Je voulais étudier les publics du cirque: qui va au cirque, pour voir quoi et le sens de ce spectacle au XVIIIe siècle, en France. Mais à l'origine du cirque moderne, il y a le cheval, l'Angleterre, le théâtre, la commercialisation des loisirs et les circulations culturelles. Il m'a donc fallu croiser les histoires de plusieurs univers pour comprendre, les personnages, les lieux, les spectacles, les pantomimes, la culture équestre, les prouesses, les succès et l'essor du cirque moderne entre les années 1760 et 1860.
A l'époque de mes recherches, il n'y avait pas encore de programme Erasmus, de très rares thèses comparatives, peu de travaux "à cheval" sur l'histoire moderne et contemporaine, et nous n'étions pas beaucoup d'historiens à considérer les sciences sociales. C'est donc au carrefour de ces axes et je me suis spécialisée en histoire culturelle des loisirs avec comme fil rouge, une question:
comment se fabriquent les conditions d'une culture partagée par le plus grand nombre.
Pour répondre, j'ai étudié les stratégies des entrepreneurs de loisirs, les conditions de production et de réception de leurs spectacles, les références communes qui créent du sens pour tous, mais j'ai aussi étudié les procédés tactiques, techniques et narratifs qui renouvellent la curiosité et l'intérêt des publics et les innovations culturelles.
J'ai complété mon parcours en histoire en étudiant la sociologie et les sciences sociales, pour mieux saisir les processus d'institutionnalisation, les pratiques culturelles, les loisirs, les sports, les publics. J'ai poursuivi mes recherches durant deux ans en Angleterre, immergée dans les cultural studies puis, en France, j'ai travaillé auprès des instances culturelles liées au monde du cirque contemporain alors que de profonds changements institutionnels et artistiques re-dessinaient les arts du spectacle.
J'ai participé durant deux ans au Musée des Arts et Traditions populaires (Mnatp aujourd'hui Mucem) ; j'ai collaboré à plusieurs projets avec Hors Les Murs (aujourd'hui Artcena) ; j'ai interviewé de nombreux directeurs et artistes de cirque, assisté à beaucoup de spectacles et festivals, échangé avec des collectionneurs et nombre de conservateurs, animé des séminaires et enseigné...
Après ma soutenance, en juin 2004, j'ai contribué à des projets culturels de loisirs et de musées (Fondation Louis Vuitton au Jardin d'Acclimatation, Louvre Lens) et je suis devenue consultante en ingénierie culturelle puis planner stratégique en agence, avant de piloter de grands projets de transformation institutionnelle sur des enjeux de territoires de marque, transition numérique, culture commune.
Durant ces années j'ai été souvent sollicitée pour publier mes recherches. En 2017, Guillaume Henry, pour les Editions Belin, a particulièrement insisté et le livre existe dorénavant (merci merci !). Personne ne s'était plongé dans les sources et les problématiques que j'avais traitées, mon travail restait d'actualité. Ce livre et son approche arrivent d'ailleurs à un meilleur moment, à l'heure où l'entrepreneuriat et les innovations culturelles sont dorénavant bel et bien considérés au présent et que les industries culturelles et créatives (#ICC) connaissent un essor qui ré-interroge l'histoire des loisirs.
Je suis ravie que le livre et ce site, www.theatrecirque.com, rendent enfin plus facilement accessible mon travail et je suis honorée que Daniel Roche ait rédigé la préface de l'ouvrage. Merci à lui, immense historien, pour sa confiance en un sujet auquel il a toujours cru et dont il voyait la portée. J'essaye parfois d'ajouter des publications ici, car il y avait encore tant à faire sur le sujet et les multiples chapitres qu'il ouvrait. Merci à toutes celles et ceux dont les sollicitations me permettent de poursuivre les réflexions en d'autres espaces.
Caroline Hodak
Juin 2018 (modifié mars 2023)